La courbe de rendement des actions : pour une perspective d’investissement à long terme
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Comprendre la courbe de rendement des actions
La courbe de rendement des actions est un concept introduit pour la première fois par Nick Sleep et
Zakaria Qais, gestionnaires de portefeuille chez Nomad Investment Partnership1
, dans l'une de leurs
lettres aux actionnaires. Entre 2001 et 2013, le partenariat a généré un rendement annuel composé de
20,8%, contre environ 5,0% pour le S&P 500 et 6,5% pour l'indice MSCI World au cours de la même
période.
Les deux investisseurs soutiennent que la patience a de la valeur sur les marchés actions et que les
rendements augmentent à mesure que la durée d'investissement s'allonge, similairement à la courbe de
rendement du marché obligataire. Cependant, contrairement au marché obligataire où des rendements
plus élevés compensent un risque accru, dans le cas des actions le résultat d'une entreprise peut être
plus prévisible sur des horizons temporels plus longs comparé à ce qu’il pourrait être fait à court terme.
Traditionnellement, lors de l'évaluation d'une entreprise, les investisseurs prévoient différents résultats
futurs et attribuent une probabilité à chaque étape intermédiaire nécessaire pour atteindre l'un de ces
résultats. Le cours de l'action est le résultat de l'agrégation des estimations de probabilité pondérées
pour chacune de ces étapes.
Les pièges du court-termisme
Toutefois, Sleep et Qais soutiennent que "cela n'est pas une représentation exacte de ce que sera
l'avenir"2
. En réalité, l'entreprise ne visitera qu'un seul des résultats possibles, avant de passer au suivant
et ainsi de suite. Les investisseurs qui se concentrent sur le court terme et essaient de deviner les résultats
possibles à chacune des prochaines étapes handicapent la probabilité de perspectives favorables
durables pour l'entreprise.
Certaines entreprises de haute qualité, en fait, "une fois qu'elles ont progressé sur la première branche
favorable, ont beaucoup plus de chances de progresser sur la branche favorable une deuxième fois, puis
sur une troisième fois, à mesure qu'une boucle de rétroaction vertueuse se construit. Le processus prend
du temps, mais un résultat favorable à un stade quelconque augmente les chances de succès plus loin
dans le temps, pour ainsi dire3
".
En se concentrant trop sur les résultats les plus récents et en évaluant continuellement les probabilités
de différents résultats sur la base de nouvelles informations, les investisseurs à court terme atténuent le
gain potentiel d'une action sur le long terme.
L’évolution stratégique de Wärtsilä
Wärtsilä Corporation, groupe technologique finlandais spécialisé dans les solutions marines et
énergétiques dans lequel Borealis GAM est investi dans ses mandats de portefeuille, a démontré une
agilité stratégique qui illustre le principe de la courbe de rendement des actions. Wärtsilä vend une
gamme complète de solutions de moteurs et de propulsion pour les navires marchands, les transporteurs
de gaz, les bateaux de croisière et les ferries, la marine militaire et les navires spéciaux.
Grâce à des acquisitions et à l'innovation interne, l'entreprise a pu faire évoluer son modèle économique
en élargissant son offre de maintenance et de services. La stabilité des revenus de l'activité de services
lui a permis de continuer à innover malgré les fluctuations du marché et de générer des flux de trésorerie
réinvestis dans des actifs d'automatisation, des solutions de gestion de l'énergie et d'analyse, lui
permettant ainsi de tirer parti de la numérisation croissante des systèmes marins et énergétiques.
L'entreprise n'a pas été épargnée par les difficultés, ce qui a conduit à un repositionnement de son
portefeuille sous la direction du nouveau PDG nommé en 2020. Une partie des flux de trésorerie générés
par ce repositionnement a permis à l'entreprise de réduire sa dette au bilan, mais également d’investir
de façon significative dans les nouveaux carburants marins du futur, tels que l’ammoniac, les
biocarburants, ou l’hydrogène. La décision de collaborer pleinement avec son écosystème a également
permis de partager les coûts et accélérer la transition vers un transport maritime plus durable.
Au cours des dernières années, la demande soutenue pour des moteurs de navires à plus faibles
émissions a permis à l'entreprise de signer davantage de contrats pour la livraison d'équipements, ainsi
que pour des services de maintenance et de pièces détachées, améliorant ainsi la rentabilité et la stabilité
des revenus. L’adoption de la Stratégie 2023 concernant les GES de l’OMI - qui prévoit une réduction des
émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20% d’ici 2030 et d’au moins 70% d’ici 2040 - a renforcé la
prévisibilité des activités de Wärtsilä, ce qui s'est traduit par une meilleure allocation des ressources en
capital et une plus grande solidité financière élargissant ainsi les options d’investissement disponibles
dans les années à venir.
Le calendrier de signature de nouveaux contrats de Wärtsilä est parfois irrégulier d'un trimestre à l'autre,
ce qui engendre une volatilité du cours de l'action. Malgré ces fluctuations à court terme, la direction a
su garder le cap, permettant à l’entreprise de surperformer significativement l’indice OMX Helsinki avec
un rendement total de 205% contre 79% sur les cinq dernières années.
Aujourd’hui, Wärtsilä bénéficie d’un leadership technologique dans le secteur maritime,
indépendamment de l’évolution des technologies des carburants, et est donc bien placée pour continuer
à jouer un rôle clé dans la transition énergétique de l’industrie mondiale du transport maritime pour les
prochaines décennies.
Handicaper les bonnes décisions
Les analystes et les investisseurs reconnaissent certainement l'amélioration des conditions d'une
entreprise, mais ils ont dans la plupart des cas la tendance à y être indifférents et n'ajustent pas à la
hausse la probabilité que l'activité continue de s'améliorer, manquant ainsi la vue d'ensemble.
En effet, les analystes financiers des courtier (le « sell-side »), sur les recherches desquels de nombreux
opérateurs du secteur basent leurs décisions d'investissement, formulent généralement des estimations
d'entreprise qui ne vont pas au-delà de deux ou trois ans dans le futur, et ce pour tout type d'entreprise,
quelle que soit la nature de l'activité.
Les investisseurs, quant à eux, ont tendance à détenir des actions pendant une période moyenne de
seulement 5,5 mois, selon un article récent publié par Reuters4
. Bien que les investisseurs institutionnels
aient tendance à conserver les actions plus longtemps, ils ne s'en sortent que légèrement mieux, avec un
taux de rotation annuel du portefeuille se situant en moyenne entre 60% et 80%5
, ce qui implique une
période de détention de 15 à 20 mois.
Les principales causes de cet excès de court-termisme sont les suivantes :
- Pressions externes : La pratique standard de l'industrie est d'évaluer la performance des fonds
communs de placement sur une base annuelle, voire trimestrielle. Comme le souligne Michael
Mauboussin6
: "Le gestionnaire de portefeuille n'a peut-être pas le luxe de penser à long terme".
- Incitatifs mal alignés : pour sa part, la rémunération des gestionnaires de fonds est liée à la
performance du fonds sur un horizon d'un an, les obligeant souvent à vendre trop tôt des
gagnants à long terme.
- Aversion myope à la perte : Les gestionnaires de portefeuille qui vérifient trop fréquemment la
performance de leurs positions, compte tenu des considérations ci-dessus, sont susceptibles
d'être plus averses aux pertes (cela est d’autant plus vrai dans les mandats plus volatils)7
.
- La récente prolifération des services de courtage en ligne qui, associée à une baisse continue des
frais de transaction, a supprimé l'un des principaux freins aux activités de trading.
- La persistance de mythes et de clichés d'investissement dont la validité a pourtant été démentie
par le marché, ou qui fonctionnaient par le passé mais dont l'efficacité a disparu avec le temps
(pensez au phénomène de retour à la moyenne).
La Valeur de la patience
Les perspectives à long terme des entreprises de haute qualité restent donc sous-évaluées, ce qui
supprime le cours actuel de leur action, augmentant les récompenses pour les investisseurs capables de
repérer ces opportunités et suffisamment patients pour les récolter.
La tendance des investisseurs à tenter d'anticiper les résultats trimestriels et les mouvements de cours
d'actions qui en résultent les positionne à l'extrémité courte de la courbe de rendement des actions, où
la concurrence est également la plus forte.
Les investisseurs qui se concentrent plutôt sur la création de valeur à long terme et alignent leur stratégie
sur les entreprises qui privilégient la croissance à long terme - c'est-à-dire qui sont positionnés sur
l'extrémité longue de la courbe de rendement des actions - se détachent de la foule et gagnent un
avantage concurrentiel sur le marché.
Ce faisant, « le rendement de l'investissement en actions », concluent Sleep et Qais, "peut alors être à la
fois augmenté et de-risqué au fil du temps"
8
.
À une époque où l'information voyage à la vitesse de la lumière et où les coûts de transaction sont
pratiquement nuls, s'abstenir du bruit à court terme et se concentrer sur les perspectives à long terme
d'une entreprise reste probablement l'un des meilleurs moyens pour les investisseurs de conserver un
avantage concurrentiel.
Le positionnement sur l'extrémité longue de la courbe de rendement des actions ne s'avérera fructueux
que si l'entreprise sous-jacente possède des caractéristiques de qualité, de sorte qu'à l'avenir, elle vaudra
plus qu'aujourd'hui.
Comment un investisseur peut-il distinguer une entreprise exceptionnelle d'une entreprise médiocre ? La
réponse réside dans le degré d'avantage concurrentiel dont jouit une entreprise, sa solidité financière, sa
croissance sous-jacente des bénéfices, la compétence de sa direction, l'alignement des intérêts entre les
parties prenantes, la dynamique de son conseil d'administration et la diversité d’opinions qui vient
enrichir la réflexion stratégique de toute organisation.
C'est du moins notre façon d'aborder chaque opportunité de placement.
Avis de non-responsabilité :
Cet article est fourni à titre informatif uniquement et ne constitue pas un conseil en investissement. Borealis GAM peut être investi
dans les titres de sociétés mentionnées dans ce document, ce qui crée un conflit d'intérêts potentiel. Bien que nous nous efforcions
de fournir une analyse objective, cela doit être pris en compte. Les performances passées ne sont pas indicatives des résultats
futurs et tous les investissements comportent des risques, y compris la perte de capital. Consultez un conseiller financier avant
de prendre des décisions d'investissement. Les informations fournies sont basées sur nos opinions et nos avoirs actuels, qui sont
sujets à changement sans préavis, et nous ne donnons aucune garantie quant à leur exactitude ou leur exhaustivité.
RÉFÉRENCES
1 Nicholas Sleep, Zacharia Qais, Full collection of Nomad Partnership Letters – Lettre Annuelle pour la période terminée le 31
décembre 2006, page 105.
2 Nicholas Sleep, Zacharia Qais, Full collection of Nomad Partnership Letters – Lettre Semestrielle pour la période terminée le 30
juin 2010, page 176.
3
Idem.
4 https://www.reuters.com/article/markets/stocks/buy-sell-repeat-no-room-for-hold-in-whipsawing-markets-idUSKBN24Z101/
5 https://icfs.com/financial-knowledge-center/turnover-ratios-and-how-compute-them
6Michael J. Mauboussin, Legg Mason Capital Management - Mauboussin on Strategy: Size Matters, 1er février 2006
7
Idem.
8Voire note 1