Les 10 déconnexions de l’investissement responsable
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Bien que le concept de "développement durable" ait été introduit pour la première fois dans les années 1970 et plus clairement défini dans les années 1980, il a vraiment pris de l'ampleur au cours des deux dernières décennies avec les crises économiques et écologiques successives. Il a maintenant pris d'assaut la communauté des investisseurs et s'est solidement ancré dans l'esprit des investisseurs, à l'ordre du jour des conseils d'administration et lors des forums stratégiques d'entreprise.
Nous contribuons tous à remodeler l’industrie de la finance et des placements, sa raison d’être et son rôle économique et sociétal. Que ce soit en tant que gestionnaires d'actifs, organisme de règlementation, entreprise publique ou privée, ou simplement en tant que citoyens partenaires, nombreux sont ceux d’entre nous qui ont été entraînés dans la discussion, volontairement ou non, et la polarisation semble avoir atteint son point culminant. Une transparence accrue, un dialogue amélioré et un apprentissage mutuel permettront certainement d’aligner les points de vue divergents qui semblent aujourd’hui irréconciliables.
1. Déconnexion entre la manière dont la durabilité est perçue et ce qu'elle représente réellement:
Que signifie la durabilité pour une organisation ? Beaucoup la définissent comme une initiative distincte, la plupart du temps dirigée par le service de communication. En tant que telle, une stratégie de durabilité nécessite des ressources et ne produit pas grand-chose. Au fil du temps, elle risque de devenir incontrôlable en termes de coûts et de se désynchroniser avec votre mission, ce qui finira par être mauvais pour votre entreprise et votre réputation, car le décalage entre votre communication et vos actions deviendra plus évident. Une stratégie de durabilité perçue comme un projet de communication n'est donc pas durable et, comme tout projet, sera supprimée dans les mauvais moments. Une stratégie d'entreprise durable, en revanche, est ce que toutes les organisations devraient viser : une stratégie qui peut survivre aux périodes difficiles et prospérer dans les bons moments, et qui créera sûrement de la valeur à long terme, non seulement pour ses propriétaires mais aussi pour ses employés et toutes les parties prenantes touchées par une organisation. Une stratégie d'entreprise durable est un état d'esprit, et un état d'esprit résistera à l'épreuve du temps. Pour en discerner une de l'autre, il faut se poser une seule question: où se déroulent les réunions "durabilité" et qui y assiste ? Dans une salle de réunion du service marketing ? Ou convoque-t ’on une équipe transversale à l'étage exécutif ?
2. Déconnexion entre l'ambition à long terme et l'action à court terme:
Nous aspirons tous à un horizon d'investissement à long terme : cela sonne bien pour une campagne de marketing de gestionnaire d'actifs, attrayant pour les investisseurs institutionnels et rassurant pour les investisseurs particuliers. Malheureusement, le temps est un produit de luxe que seuls quelques gestionnaires d'actifs et entreprises peuvent s'offrir. Sortir du piège des bénéfices trimestriels n'est pas facile, ni pour les entreprises ni pour les investisseurs, et le prix à payer pour le "court-termisme" est élevé : des pertes massives pour les actionnaires et les employés à la perte de confiance dans les marchés financiers et ses participants. Un nombre croissant d'entreprises évitent les marchés publics, ce qui, combiné à des vagues successives de fusions et acquisitions, souvent mal avisées et destructrices de valeur, a réduit l'univers des opportunités d'investissement. Aux États-Unis, le nombre de sociétés cotées en bourse a été divisé de moitié au cours des deux dernières décennies et les nouvelles cotations sont de moins en moins nombreuses. La durabilité pourrait devenir une étoile polaire, nous permettant de regarder loin devant nous et de ne pas nous perdre en chemin.
3. Déconnexion entre les sociétés inscrites et les investisseurs:
Un bon point de départ pour combler le fossé entre les sociétés inscrites et les investisseurs serait de réunir tous les participants autour de la table.
Voici quelques conseils pour les investisseurs :
- Faites vos devoirs et identifiez ce que vous voulez savoir, de quelles informations avez-vous vraiment besoin afin d'améliorer votre processus de décision d'investissement.
- Développez un cadre pour dialoguer avec les entreprises : un plan d’engagement spécifiant les sujets, la fréquence, la portée, vous permettra de gagner du temps et de ne pas faire perdre celui la société.
- Suivez l'impact de votre engagement, de la réponse du conseil aux actions concrètes : Cela contribuera à augmenter votre niveau de conviction dans votre décision de détenir ou de céder une position.
Voici quelques conseils pour les sociétés inscrites :
- Comprenez ce que les actionnaires existants ou potentiels veulent, quel est le meilleur moyen de communiquer cette information et éduquez vos investisseurs sur ce qui est important pour l'entreprise.
- Profitez de cette occasion pour expliquer votre mission et votre vision, votre approche de la rémunération des dirigeants, vos pratiques de gouvernance, les enjeux environnementales ou sociaux auxquels vous faites face.
- Maintenez un dialogue régulier : Cela réduira le risque que les actionnaires prennent des décisions d'investissement/désinvestissement sur des informations erronées ou obsolètes, minimisera le risque et les coûts associés - financiers et en temps de direction - de l'activisme, et augmentera les chances de développer une relation pérenne avec les actionnaires et de compter sur leur appui dans les moments difficiles.
- Recherchez de l'aide et associez-vous à des cabinets-conseil qui comprennent vraiment les deux côtés du marché.
4. Déconnexion entre la réalité et la perception au sein d'un gestionnaire d'actifs:
Vous envisagez peut-être de vous lancer l'investissement responsable et cherchez des compagnons de route : il y a de fortes chances qu’il existe déjà une profonde conscience et une passion pour l'investissement responsable au sein de votre organisation. Regardez au-delà des équipes de gestionnaires de portefeuille et des analystes, il pourrait y avoir une opportunité pour quelqu'un des "niveaux inférieurs" d'être promu et de rejoindre vos initiatives ESG : vous seriez surpris par les talents cachés au sein de votre organisation.
Vous faites certainement déjà beaucoup de choses, même si ce n'est pas de manière formelle, et si vos équipes d'investissement utilisent différentes mesures et approches de l'ESG, c'est encore mieux ! Convaincre un gestionnaire de portefeuille de modifier une partie quelconque de son processus d'investissement est une chose ardue, mais cela est possible avec les bons incitatifs. En mettant en commun les ressources et en partageant les connaissances et meilleures pratiques, vous économiserez énormément de temps et d'efforts et irez beaucoup plus vite que vous ne le pensez.
Voici quelques conseils pour commencer votre voyage d'investissement responsable
- Commencez petit et concentrez-vous sur quelques domaines clés, tels que l'environnement, le social ou la gouvernance d'entreprise (ESG).
- Effectuez vos recherches et comprenez les risques et les rendements des différents investissements responsables.
- Soyez patient et persévérant. Il faut du temps pour construire un portefeuille d'investissement responsable solide.
Si vous n'êtes pas sûr comment démarrer, il existe sur le marché de nombreuses ressources disponibles pour vous aider.
5. Déconnexion entre réalité et perception au sein d’une entreprise:
Bonne nouvelle ! La plupart des données sur la durabilité que vous et les investisseurs recherchez sont déjà quelque part dans votre organisation et, de manière similaire aux gestionnaires d'actifs, vous intégrez probablement déjà la pensée "durable", bien que à des degrés divers, dans vos décisions d'allocation de capital ou décisions opérationnelles (acquisition d'actifs, conception de mines, formation du personnel, etc.). L'idée ici est de formaliser le processus de collecte, centralisation, analyse, suivi et divulgation qui permettra à votre organisation de prendre des décisions plus éclairées. Des solutions logicielles sont désormais disponibles, faciles à déployer et simplifieront grandement votre parcours. Commencez petit et ajoutez des éléments et des régions au fur et à mesure : vous pourriez voir votre entreprise sous un tout nouveau jour.
6. Déconnexion entre détenteurs d’actifs et gestionnaires d’actifs:
Les détenteurs d'actifs doivent intensifier leurs connaissances en matière d'ESG et rester informés des meilleures pratiques en matière d'investissement responsable, non seulement au niveau national mais aussi à l'échelle mondiale. Les cadres de diligence raisonnable ont évolué, mais les propriétaires d'actifs devraient plaider en faveur de plus de transparence : ajouter quelques éléments à un questionnaire de diligence raisonnable ne suffit pas. De nouveaux modèles de référence devraient être développés afin de réaliser une analyse plus holistique des gestionnaires externes. De leur côté, les gestionnaires d'actifs doivent commencer à surveiller et à rendre compte : en surveillant, vous développerez un nouveau regard pour une meilleure compréhension des actions individuelles et, plus important encore, de l'exposition du portefeuille aux risques de durabilité. En rendant compte, vous serez poussés à être plus diligents et, avec le temps, à ajouter/supprimer des éléments en fonction de la matérialité, de votre philosophie d'investissement et de ce qui est important pour votre client. Depuis le lancement du "Montréal Carbon Pledge" en septembre 2014, plus de 120 investisseurs totalisant plus de 10 billions de dollars d'actifs sous gestion se sont engagés à mesurer, divulguer et réduire leur empreinte carbone de portefeuille. Il est maintenant temps pour les gestionnaires d'actifs de tenir leurs promesses, tant en termes de transparence que d'action.
7. Déconnexion entre la réalité et le niveau de connaissance des sociétés inscrites:
Une partie essentielle de la durabilité concerne le changement climatique. Alors que nous continuons à lutter pour comprendre toutes les conséquences du changement climatique, il est aujourd'hui difficile de l'ignorer. La plupart des organisations ont fixé des objectifs sur des métriques clés, telles que les émissions de gaz à effet de serre ou l'utilisation de l'eau, mais ces objectifs pourraient bientôt s'avérer beaucoup trop conservateurs. Nous devons passer rapidement à des objectifs basés sur la science et développer des scénarios et des objectifs adaptables à une réalité en évolution. L'engagement pris par 197 pays à Paris en 2015 pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés est aujourd'hui considéré comme insuffisant pour éviter un impact significatif sur la croissance économique mondiale. Continuez à apprendre, à partager et à soumettre votre entreprise à des tests de résistance pour faire face à des conditions changeantes.
8. Déconnexion planificateurs/conseillers financiers et leurs clients et prospects:
L'investissement responsable est une excellente opportunité pour renouveler le dialogue et combler le fossé relationnel entre vous, vos clients de longue date et surtout leurs enfants, qui ont probablement été négligés en cours de route. Un transfert massif de richesse entre générations se produira bientôt, et l'investissement responsable est un excellent moyen d'intégrer cette nouvelle génération d'investisseurs à la conversation. Les clients de longue date peuvent ne pas se soucier de la durabilité, et cela explique en partie pourquoi tant de conseillers financiers affirment "qu'il n'y a pas de demande pour ces produits", mais leurs enfants et petits-enfants peuvent penser différemment. C'est le moment d'écouter et de le découvrir par vous-même. Vous n'avez pas nécessairement besoin de produits "ESG", mais vous devez savoir comment articuler une approche d'investissement durable : apprenez un nouveau vocabulaire, de nouvelles histoires et comment vous pouvez offrir encore plus de valeur à vos clients.
9. Déconnexion le haut, le milieu et le bas au sein d'un gestionnaire d'actifs:
En tant que champion de la durabilité, que ce soit du côté de l'émetteur ou de l'investisseur, vous faites probablement face à un manque de soutien et de ressources au mieux, et à des obstacles et des entraves au pire. Ironiquement, dans les deux cas, les demandes envers votre petite équipe, bien que motivée, ne cessent de croître. À un moment donné, vous devrez évaluer vos chances de faire une différence au sein de votre organisation : votre CIO est-il à bord ? Pouvez-vous obtenir le soutien de votre PDG ou du conseil d'administration ? Pouvez-vous obtenir le soutien des autres gestionnaires de portefeuille et analystes pour mutualiser les connaissances et les ressources afin de faire une grande poussée ? Pouvez-vous compter sur les équipes de vente et de marketing ? Si vous ne voyez aucun soutien venir, la vie est trop courte et il y a une pénurie de professionnels de l'ESG/investissement comme vous. Peut-être est-il temps pour vous de passer à autre chose.
10. Déconnexion entre les émetteurs et les régulateurs:
Tendance mondiale, douleur locale. De nouvelles politiques sont en cours d'élaboration et la contribution de chacun est d'une grande valeur. C'est le moment d'être entendu et d'influencer la réglementation future. La pression pour changer les modèles d’affaires, atténuer leur impact actuel sur la durabilité ou simplement accroître les efforts de divulgation pourrait sembler facile pour les grandes entreprises dotées de grandes ressources, mais cela pourrait représenter un fardeau significatif pour les organisations de taille plus petite ou à but non lucratif. De plus, les structures économiques et d'emploi varient largement d'une région à l'autre. Au Vietnam, environ 40% de la main-d'œuvre est impliquée dans le secteur primaire, contre 10% au Chili et 2% au Canada. Chaque pays devrait s’engager dans une politique de "transition" qui tienne compte de ses propres caractéristiques et dynamiques. Les décideurs cherchent constamment le bon équilibre entre la nécessité de plus de transparence et le fardeau pour la fournir, surtout pour les entreprises cotées en bourse qui montrent de plus en plus des signes de fatigue des réformes en matière de divulgation.
Un mélange d'initiatives et d'engagements dirigés par l'industrie, de réglementations dictées par la politique et de partenariats entre des organisations à but lucratif et à but non lucratif semble être la meilleure voie à suivre pour une finance durable et responsable.
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